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Chef's Place

Hearth by Elliott - Éloge de la cuisine sans déchets

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), nous jetons en moyenne 345 kilos de déchets alimentaires par personne et par an en Belgique. Un gaspillage contre lequel les professionnels de l’horeca peuvent lutter activement, et y trouver de nombreux bénéfices, comme le démontre brillamment le chef Elliott Van de Velde avec son projet Hearth.

“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. La citation attribuée au chimiste Antoine Lavoisier pourrait tenir lieu de devise à Elliott Van de Velde. Avec son projet Hearth, installé à Dworp dans le Brabant flamand, le jeune chef au grand cœur repousse encore les limites de la créativité et parvient à supprimer quasiment totalement les déchets de sa cuisine tout en imaginant des solutions contre toutes les formes de gaspillage alimentaire. Un défi qu’il aborde non seulement du point de vue écologique, mais aussi et surtout de celui du goût, sans oublier l’aspect économique. « Réduire ses déchets, pour un chef, cela représente un gain financier très appréciable. En valorisant l’intégralité d’un légume, d’une viande ou d’un poisson, on fait de vraies économies d’échelle. On parle beaucoup de food-cost, valoriser les déchets est sans doute un des meilleurs moyens d’améliorer les marges et de diminuer les coûts. Mais ce qui m’importe le plus, comme tous les cuisiniers, c’est le goût et les valeurs que je véhicules. Je prends l’exemple d’un chou romanesco. On va généralement vouloir utiliser uniquement les parties extérieures, pour leur aspect visuel, et on va jeter le pied. Mais c’est pourtant là, dans cette partie proche de la terre, que se concentrent toutes les saveurs. Ce qu’on appelle un déchet est bien souvent un trésor dont on ignore le potentiel gustatif.”

Une réinvention nécessaire

Après avoir passé toute la durée du Covid à cuisiner – avec toute son équipe – pour des associations caritatives, (75.000 personnes nourries) en récupérant notamment des invendus de la grande distribution(200 tonnes), Elliott a lancé au printemps 2021 son nouveau ‘Hearth by Elliott’. Un potager, une table et un pop-up restaurant, grâce auxquels il peut à la fois proposer de vraies expériences gastronomiques de haut niveau et continuer à expérimenter sur les différentes techniques de valorisation totale des produits. Fermentations, séchages, maturations, fumages... c’est un véritable laboratoire culinaire qui alimente le menu constamment changeant proposé à ses convives. « Il faut oser, y compris oser se tromper, oser rater. Nous essayons tout le temps de nouvelles façons de travailler les parures des légumes ou des poissons, les épluchures, les résidus de pressage ou de cuisson... et à chaque fois nous découvrons quelque chose de nouveau qui apporte une texture, un goût, une couleur. En ce moment, nous travaillons sur la betterave, et nous avons réussi à faire un colorant naturel avec le résidu de pulpe qui nous reste après avoir extrait le jus. »

« Nous sommes les héritiers d’une tradition culinaire qui a voulu tout calibrer, mais nous pouvons changer. »

Engagée, la cuisine d’Elliott Van de Velde est avant tout émotive. Quand il choisit de cuire un céleri-rave avec la peau, quand il reprend les chutes d’un poisson dans son fumet, quand il retravaille le jus d’une émulsion de légume, quand il laisse évoluer un sirop en kombucha, quand il affine la saumure de ses fermentations, il laisse avant tout parler son cœur, sa générosité et son amour indéfectible pour les produits vivants. Là où on pourrait penser que la lutte contre le gaspillage est une forme de privation et d’ascétisme, Elliott nous montre qu’il s’agit en fait d’une gourmandise poussée à l’extrême, d’une joie de tout goûter, de tout dévorer, de tout essayer. Comme il le fait avec sa fille de sept mois qui se régale déjà de l’acidité d’un citron. « Faire découvrir, c’est l’essence même de notre métier. Nous sommes les héritiers d’une tradition culinaire qui a voulu tout calibrer, mais nous pouvons changer. Nous pouvons aimer le non-calibré, aimer ce que la nature nous apporte et en jouer. Nous avons tout à y gagner en nous remettant en question. Je veux transmettre cette philosophie à nos clients, mais aussi aux autres chefs, en partageant le fruit de nos expérimentations. Je veux leur dire qu’ils peuvent réduire leur masse de déchets en améliorant leur rendement, en préservant l’environnement et en apportant une richesse organoleptique incroyable à leurs plats. »

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Une leçon de petits pois

La preuve par les actes, Elliott compose sous nos yeux une assiette exemplaire qui illustre son approche : un lieu jaune séché aux herbes pendant 48 heures, servi sur une mousseline de petits pois. « Quand on prépare cette mousseline, il nous reste une masse fibreuse. Je ne la jette évidemment pas. Je la fais cuire avec un dashi et un fumet de poisson – réalisé à partir des parures du lieu – pour obtenir un jus concentré que je verse sur le poisson. J’ajoute des fèves des marais et des petits pois sautés au beurre d’ail et un second jus de persil, lui aussi sur une base dashi et fumet de poisson. Avec les cosses des petits pois, je prépare un autre jus que je pourrai utiliser sur d’autres plats. Je termine l’assiette avec des graines de lin et des fleurs du jardin. 90 % des végétaux sont comestibles, nous l’oublions trop souvent, tout comme nous oublions que toutes les parties d’un légume sont porteuses de saveurs ». Pour Hearth, Elliott Van de Velde ne peut bien sûr pas travailler avec des produits offerts. Il tisse la même trame et fait le même pari d’une intelligence collective qui nous permettra de changer nos pratiques culinaires au quotidien. « Moins de déchets, c’est moins de poubelles à payer. Et moins d’emballages, donc moins de plastiques et moins d’espace de stockage. On entre rapidement dans un cercle vertueux qui bénéficie à tout le monde, y compris les magasins. Si nous optons par exemple pour le vrac et que nous développons des techniques pour préparer au mieux tous les légumes, même ceux qui sont un peu abimés, nous sommes tous gagnants, sur tous les tableaux.

www.hearthproject.com